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À PROPOS DE LA SÉRIE

VIVRE AVEC ATAXIE

Questions/Réponses 

avec Annie Maheux - coordinatrice du projet

 

 

 

Comment vous êtes-vous rencontrées, Magdalena et toi?

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On ne s’en souvient pas très bien en fait! 

On pense qu’on s’était rencontré dans une fête, il y a des années, à La Shoppe, un espace créatif d’Hochelaga et on s’était échangé nos contacts. Des années plus tard, elle m’écrivait: «Viens me voir» avec son adresse au CHSLD. J’y suis simplement allée. On est devenues amies et un an plus tard, on a commencé le projet qu’on présente aujourd’hui.

 

 

 

Comment le projet Vivre avec Ataxie a-t-il débuté?

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C’était l’idée de Magdalena! Elle m’a parlé de son journal Vivre avec Ataxie qu’elle avait commencé en 2011 comme page Facebook et qu’elle voulait tourner en film, dont elle serait le personnage principal. Elle voulait aussi faire ses débuts comme actrice professionnelle à Montréal, et ce projet sera sa première diffusion.

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Que Magdalena me l’ait demandé, c’est, pour moi, le point de départ essentiel de notre collaboration. J’y ai pensé pendant deux mois. “Est-ce que c’était approprié que moi, qui n’a pas de handicap, puisse parler de sa situation? Est-ce que j’ai le droit de faire ça? Quelle partie de la création puis-je couvrir sans parler à travers mon chapeau?” J’ai eu beaucoup de conversations avec Magdalena, j’ai lu sur l’éthique d’une telle collaboration, j’ai fait des entrevues avec des connaissances vivant avec un handicap. Les mots du philosophe français Paul Ricoeur m’ont frappés. Ça m’a littéralement donné la permission de travailler sur ce projet:

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        « On entre en éthique quand, à l’affirmation par soi de sa liberté on ajoute l’affirmation de la volonté               que la liberté de l’autre soit. Je veux que ta liberté soit. »

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Le but n’est pas d’héroïser ou martyriser Magdalena, mais de lui donner un médium d’expression pour partager ce qui lui tient à coeur en tant que jeune femme et en tant qu’artiste. Je coordonne ensuite de mon côté les ressources et les gens nécessaires pour donner vie à cette vision.

 

 

 

Qu’est-ce que signifie « Vivre avec Ataxie » ?

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L’ataxie cérébelleuse, c’est une maladie neuro-musculaire qui affecte la coordination des gestes et l’équilibre. Elle n’est pas lié à une déficience mentale, mais à une atteinte au système nerveux. Une bonne idée de ce que ça peut représenter est dans les mots simples de Magdalena, dans son journal en ligne qu’elle a commencé en 2011 intitulé Vivre avec ataxie:

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        Vivre avec ataxie,

        c'est pas comme avec un ami

        Les pertes d'équilibre font suer

        Les tremblement font chier

        Mais tant que j'en fait pas mon ennemi

        J'peux sourire dans la vie

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Magdalena vit avec l’ataxie cérébelleuse depuis ses 17 ans, où elle est apparue progressivement, alors qu’elle était en Centre jeunesse. Ataxie en grec veut dire chaos, désordre, et on trouvait que le côté punk de Magdalena, prompt à la désobéissance aux normes de bienséance, s’accordait bien à cette image, ce qui a guidé le titre de l’expo. Et puis, comme peu de gens connaissent l’ataxie, écrire Ataxie avec A majuscule, donne un rôle concret, une personnalité, à la condition avec laquelle Magdalena vit chaque jour.

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Pourquoi parler de désir et de handicap ?

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Parce que c’est encore un sujet tabou! La plupart des gens considèrent encore que les personnes ayant un handicap physique ou mental sont asexuelles ou «ont des choses plus importantes desquelles se soucier»! Exprimer son désir pour Magdalena, c’est dire en d’autres mots : « Je suis encore en vie ! »

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Magdalena est gourmande, elle aime manger, elle voudrait parfois manger deux repas lorsqu’on sort du CHSLD et qu’on mange à l’extérieur. Elle a soif… de gens aussi! Charmer, connecter, toucher… Elle brûle du désir d’être en contact avec les gens et elle serait prête à partir à l’aventure avec n’importe qui, si on lui offrait. Lorsqu’on est un être aussi tactile, avec un esprit aussi épris de liberté, pas étonnant que de vivre en institution pour plus de 7 ans aiguise les ardeurs.

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De ce fait… Magdalena parle toujours de sexe! Elle pose des questions intimes aux gens qu’elle vient de rencontrer, et ce, peu importe le sexe, l’âge ou la couleur de la personne. Le sujet s’est imposé par lui-même dans notre projet. Durant le tournage, il y avait tellement de prises où, par exemple, elle demandait au caméraman la taille de son sexe. C’était inévitable d’aborder la question sexuelle. On a compris que c’était réellement le paroxysme pour elle, la meilleure chose au monde. L’orgasme. Après lequel tout n’avait plus d’importance; on relaxe, dans les bras d’un être aimé. Quoi de mieux? La libération.

 

 

 

Quel est le rôle de la musique dubstep dans ce projet ?

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C’est le style musical préféré de Magdalena, un style qui était encore plus populaire durant les années 2009-2010 avant le déclenchement de son ataxie. Magdalena s'identifie encore fortement aux souvenirs de cette époque. Il faut dire que dans l’audience typique du dubstep, il est de mise que plusieurs garçons, des habitués de fitness, enlèvent leur chemise durant les spectacles. C’était là, pour Magdalena, une des grandes motivations d’assister à l’époque à ces représentations. Elle dit aussi que les sons de basse et les figures de style en brisures de rythme représentent beaucoup sa colère profonde, sentiment qu’elle a en elle depuis bien avant sa situation actuelle.

 

 

 

D’où vient votre intérêt pour la réalité virtuelle ? Comment l’appliquez-vous dans ce projet ?

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Une résidente du Centre de soin de longue durée Paul Émile Léger, Cynthia Côté, nous a approchés pour nous parler des conditions de vie là-bas et surtout, de la patience quotidienne qui est nécessaire afin de garder des contacts positifs dans l’environnement d’un centre d’hébergement. Les préposés sont débordés, donc ils répondent aux besoins essentiels des résidents avec un délai, inévitable. C’est une réalité omniprésente et qui affecte la quête de désir de Magdalena. Cependant, dans cette partie de l’exposition, le personnage principal n’est plus Magdalena. On avait envie de donner un regard plus général, moins centré sur elle. Le visiteur devient donc temporairement le personnage principal.

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Nous attendons à l’exposition virtuelle la visite de personnes provenant des CHSLD et d’autres ne vivant pas nécessairement avec un handicap, ni en institution. Comment alors représenter une réalité vécue, certes nouvelle pour certains visiteurs, sans toutefois apporter un sentiment d’accablement à ceux qui la vivent déjà ?

 

La réalité virtuelle est considérée comme une machine à empathie. De par son puissant pouvoir d’immersion, elle nous permet de presque littéralement, se mettre dans la peau d’un autre. Nous souhaitons pousser plus loin que cette première définition. En juxtaposant une réalité quotidienne d’un centre d’hébergement, à une réalité totalement fantasmagorique, nous cherchons donner un aperçu de ce qui n’existe pas encore; de ce qui, pour l’instant, ne relève que du domaine de l’imagination. 


Cependant, ce n’est pas une expérience de liberté ou d’indépendance, mais plutôt un voyage dans ce qui pourrait être pour de vrai. Cette réalité virtuelle, intitulée, “Patience ma grande”, est plutôt un avant-goût de prise d’action, après l’expérience VR. On veut donner envie d’aller faire une vraie excursion en forêt avec une chaise roulante, malgré les difficultés impliquées. On veut aussi donner envie aux gens de comprendre cette réalité et peut-être même d’aller faire du bénévolat dans les Centres d’hébergement près de chez eux.

 

 

 

Pourquoi avez-vous choisi la galerie GHAM & DAFE dans l’arrondissement Hochelaga-Maisonneuve pour présenter le projet ?

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Hochelaga est le quartier où Magdalena a vécu, avec Sylvain Lamoureux, son grand ami, avant d’aller vivre près du quartier chinois, au CHSLD Paul Émile Léger. Elle le considère encore comme son quartier. Elle passait d’ailleurs beaucoup de temps dans la rue, à parler aux gens qui passaient. Plusieurs se rappellent encore d’elle, car elle était la vedette du quartier, nous a confié Sylvain en entrevue. Un commerçant avait même peint une murale avec son portrait sur son établissement. 

 

La situation physique et géographique de la galerie est idéale. Située au rez-de-chaussée, la galerie a une rampe d’accès amovible pour la porte d’entrée. Il est donc possible d’y accueillir les chaises roulantes et… les fumeurs. Magdalena est une grande fumeuse et profite de ses pauses pour socialiser, une cigarette au bec. Le quartier compte également plusieurs CHSLD, d’où on souhaiterait, après la pandémie, accompagner certains groupes de résidents jusqu’à l’exposition. 


La galerie est accessible au sens large, car elle est située dans un arrondissement de grande mixité sociale. Des passants de différentes situations économiques, culturelles et académiques passent devant la galerie. La galerie a depuis, par son accueil chaleureux, su gagner la confiance de la population locale. Elle est la plupart du temps louée à des artistes émergents dont les projets ont une portée sociale. Cela nous convenait parfaitement.

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Y aura-t-il une suite au projet Vivre avec Ataxie ?

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Oui ! Ce projet, c’était les débuts de Magdalena comme actrice devant la caméra. Elle avait de l’expérience sur la scène, au théâtre, avec le Cirque social et à l’Espace libre. Le travail à la caméra est cependant bien différent, plus dans les subtilités et sans audience directe. Magdalena a réappris dans la dernière année comment charmer sans la présence de l’autre. C’est pourquoi, on aimerait développer notre documentaire en un long-métrage et donc prolonger notre tournage. Il y aurait la possibilité d’aller chercher davantage d’appuis gouvernementaux. Nous visons une diffusion à la fois muséale et sur des chaînes de télévision.

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En quoi la pandémie actuelle favorise ou défavorise-t-elle le projet ?

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D’un côté, le plus grand obstacle, c’est que Magdalena ne peut pas assister physiquement à son propre vernissage. Comme personne d’autre d’ailleurs. Les galeries sont fermées aux visiteurs pour la durée de la crise sanitaire et les Centres interdisent les visites, tout comme les sorties à leurs résidents afin de les protéger du virus Covid-19. Il faut cependant mentionner que le personnel nous appuie énormément dans l’établissement de la communication à distance avec Magdalena. Nous avons ensemble établi un plan d’action pour lui permettre de visionner en ligne sa création et de la diffuser aux autres résidents.

 

D’un autre côté, la nature désormais internationale de notre projet offre de nombreuses possibilités. Nous avions d’abord choisi de sous-titrer les vidéos en français et en anglais, spécialement pour les personnes malentendantes et les non-francophones. Nous avons par la suite réalisé que les sous-titres espagnols, allemands, japonais et chinois seraient une porte d’entrée vers une diffusion internationale, que notre exposition maintenant virtuelle nous permet. 

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